Image présentant les informations pratiques relative à l'évènement avec une femme touchant une bulle de dialogue

Notes de conférences - Élections européennes 2024 : Comment parler d’Europe ?

Le 31 janvier 2024, le cabinet de conseil Euralia a organisé au Goethe-Institut de Paris une table ronde sur le thème « Élections européennes 2024 : Comment parler d’Europe ? L’information et la désinformation à l’occasion des élections européennes ». Les intervenants ont échangé sur les enjeux liés à la régulation de l’espace numérique ainsi que sur les risques d’ingérence étrangère dans le cadre des prochaines élections européennes. Ils ont successivement présenté leurs analyses sur les risques provoqués par la désinformation en Europe. 

Au cours de son intervention, Sandro Gozi, député européen a exposé les conclusions d’une résolution du Parlement européen en lien avec la désinformation. Cette résolution détaille la triple menace que représente la désinformation pour l’Union européenne : une menace pour l’harmonie sociale, une menace pour l’ordre juridique international et, enfin, une menace pour la bonne santé de la démocratie. C'est surtout sur cette dernière que la résolution parlementaire s'attarde. Elle identifie deux points nécessitant une particulière vigilance. D’une part, les réseaux sociaux se révèlent être les champs de bataille que le législateur européen doit investir pour lutter contre la désinformation. D’autre part, la Russie est l’acteur le plus dangereux en termes de désinformation, même si d’autres puissances étrangères sont également très actives sur ce terrain. Afin de combattre la désinformation en ligne, les institutions européennes sont en train de renouveler l'arsenal législatif. À ce titre, le DSA (Digital Services Act) adopté en octobre 2022 contribue à favoriser un encadrement plus strict des prestataires de services en ligne, notamment en ce qui concerne leurs politiques de modération des contenus. De plus, en mars 2024, une proposition de règlement relatif à la transparence et au ciblage de la publicité à caractère politique sera débattue par le Parlement européen. Cette proposition devrait contribuer à la régulation des pratiques liées à la propagande politique en ligne.  En tant que rapporteur de ce texte, Sandro Gozi a présenté quelques-unes des mesures phares telles qu’une meilleure protection des données personnelles dans le cadre du ciblage des publicités politiques et une obligation de transparence pour les entités impliquées dans la production de publicité politique

Kevin Arceneaux, co-directeur du CEVIPOF, a présenté les résultats d’une étude analysant l’impact des réseaux sociaux, plus spécifiquement Facebook, sur la manière dont les électeurs français se sont informés avant l’élection présidentielle de 2022. Cette étude démontre que, malgré les inquiétudes liées à la circulation de fake news en ligne, les réseaux sociaux exposent les internautes à de nombreuses informations qu’ils ne seraient pas nécessairement allés chercher d’eux-mêmes. En effet, un « groupe traité » d’utilisateurs ayant accepté de désactiver leur compte un mois avant le scrutin a été comparé à un « groupe contrôle » d’utilisateurs classiques de Facebook. Les participants ont ensuite été soumis à un test portant sur l’actualité politique que le groupe contrôle a mieux réussi que le groupe traité. Par ailleurs, les participants ont également répondu à un questionnaire concernant leurs manières de s’informer et il apparaît que la majorité des personnes ayant désactivé leur compte Facebook ne s’étaient pas informées via des sources alternatives. Ainsi, l’étude semble démontrer que les réseaux sociaux restent un vecteur d’information important pour les citoyens dans la mesure où ils rendent l’information « disponible » instantanément et sans effort. 

Jacob Ross, chercheur associé au German Council on Foreign Relations, a souligné les conséquences de la désinformation en ligne sur la politique extérieure des puissances européennes. Par exemple, au cours de l’opération Barkhane, de fausses informations sur les agissements des soldats français ont été massivement partagées par des habitants des pays de Sahel. Il est possible que cette vague de désinformation ait été amplifiée par la Russie ou la Chine, dans le but d’étendre leurs sphères d’influence en Afrique au détriment de celle de la France. En outre, Jacob Ross a souligné la forte activité de désinformation de la Russie en Europe, citant l'opération Doppelgänger au cours de laquelle des faux sites d’information propageaient une propagande hostile au soutien européen à l'Ukraine face à l'invasion russe. Toutefois, si ces opérations de désinformation et d’amplification des tensions représentent une opportunité pour l’extrême-droite européenne, Jacob Ross a mis en garde contre la surestimation de l’impact de l’ingérence russe. En effet, une interprétation excessive de ce phénomène conduirait à ne pas tenir compte d’enjeux comme le pouvoir d’achat ou la crise de la représentation démocratique. 

Enfin, Arnaud Vergnes, responsable des affaires juridiques chez Google France, a dressé un tableau des mesures mises en place par le géant numérique afin de freiner la diffusion des fausses nouvelles, particulièrement en période électorale. Dans ce cadre, l’outil « How to vote » développé en partenariat avec le Parlement européen permet d’indiquer aux électeurs le lieu et la date de scrutin directement depuis la page d’accueil du moteur de recherche. De plus, les équipes « Trust and Safety » de Google sont particulièrement mobilisées en période électorale afin de modérer les contenus publiés sur YouTube et ces dernières collaborent avec des entités diverses, telles que l’Arcom ou l’AFP. Arnaud Vergnes a également présenté l’outil DeepMind permettant à Google de s’adapter aux nouvelles formes de désinformation en détectant les contenus générés par une intelligence artificielle. 

À la suite de ces présentations, Britta Sandberg, journaliste et directrice du bureau du Spiegel à Paris, a recueilli les questions du public. Celles-ci ont principalement porté sur le rôle des journalistes dans la bataille contre la désinformation, sur la nécessité d’adopter une stratégie offensive contre l’ingérence étrangère et sur les possibles usages de l’intelligence artificielle afin de renforcer les processus démocratiques en Europe.

Affiche de présentation de l'évènement